jeudi 24 mai 2012

Information à compter du chapitre 9 des aventures de ma chère petite sorcière!

Un peu de news!

Tout d'abord, vous l'aurez remarqué, ma jolie petite sorcière a hérité d'une super bannière!!
On remercie fort fort fort Adeline Dias, qui a mis ses talents à mon service pour habiller un peu ma chère Eiryenn! Merci Merci Merci!!


Ensuite, n'ayant ni le temps ni l'inspiration de faire vire Eiryenn toute seule, j'ai demandé autour de moi si quelqu'un serait intéressé pour co-écrire cette petite saga avec moi.
Koralie s'est présentée spontanément, m'a sorti le chapitre 9 de son chapeau de magicienne, et hop! La magie a opéré tout de suite!

Koralie est une amie lectrice, et Canadienne de surcroît, donc, non seulement elle a l'humour adéquat pour m'aider à poursuivre, mais elle risque fort de vous sortir une ou deux expressions du cru canadien qui pourrait bien rajouter une couche au ton caustique de mon œuvre, désormais notre œuvre, à compter du chapitre 9.

Je laisse Koralie se présenter en quelques mots, et vous pourrez ensuite immédiatement vous régaler du 9ème chapitre, écrit de sa main.

Mon nom est Koralie. Je viens de l'autre côté de l'océan, d'une province qu'on appelle Québec, et plus précisément d'une ville qui se nomme L'Ange Gardien. J'étais donc prédestinée à être un ange... Ou pas. Bref, quand Cali a fait un appel sur Facebook pour trouver une "nouvelle maman" à Eiryenn, le personnage principal de cette histoire, je me suis dit "Pourquoi pas?". J'avais déjà lu cette histoire et j'adorais la naïveté et l'humour qui se dégageait d'Eiryenn. Elle était un peu comme moi : elle cherchait sa place dans ce monde bizarroïde... Je me suis donc lancée dans ce nouveau projet par intérêt pour l'histoire de Cali, mais aussi parce que j'adore les mots depuis que je suis toute petite. J'espère pouvoir vous transmettre cet amour des mots tout en faisant évoluer cette petite sorcière... À bientôt pour d'autres aventures!


On accueille donc Koralie comme il se doit, en levant tous les bras en l'air, et on espère que le petit coup de frais qu'elle va apporter en tant que nouvelle maman d'Eiryenn va m'aider à me remotiver un bon coup! ( Autrement, vous pouvez toujours m'acclamer comme une star de rock, ça pourrait avoir un petit effet aussi :P

A très vite alors, et rendez-vous ci dessous pour le chapitre 9 par Koralie!

Bisous!

Cali

Chapitre 9 - love powaaaa - la sorcière en émoi!

J’avais encore passé une agréable soirée avec Matt et Sylvia. Vraiment, depuis que je lui avais avoué être un genre de « sorcière-extraterrestre-sans-grands-pouvoirs-magiques » balancée sur cette planète parce que j’étais nulle, il ne cessait de m’impressionner. J’avais l’impression d’être à ses yeux la sorcière la plus cool au monde et je me disais souvent, en l’écoutant me poser dix mille questions et s’intéresser à tout ce que je disais, que ma mère se mordrait sûrement les doigts si elle me voyait avec lui. Comment une sorcière qui avait échoué le test de sa vie pouvait-elle attirer autant de sympathie chez un mec aussi canon que Matt? Normalement, cette question m’aurait fait vouloir entrer dans le plancher, mais maintenant, cette pensée me faisait sourire béatement… Eiryenn 1, le monde magique, 0.

En effet, plus le temps passait, plus je me sentais « normale ». Je ne comprenais pas encore tout du monde humain, et selon Sylvia, les gens étaient tellement zarbis que je ne comprendrais sûrement rien à moins de développer le pouvoir de supra-connaissance humaine, mais j’avais découvert un monde qui n’avait rien de la planète « grise » dont on me parlait quand j’étais enfant et qui devait être selon mes ancêtres le pire endroit de l’univers. D’ailleurs, ma rencontre avec Anabelle, la vieille veuve adorable, m’avait ouvert les yeux sur la plus belle chose qui puisse exister : le pouvoir de l’amour… Est-ce qu’une sorcière humaine d’adoption pouvait rêver à ça sans risquer de frapper un mur? Je l’espérais secrètement… Et je savais même avec qui je voulais que cela se passe!

Lors de la soirée post-voyance (soirée assez arrosée d’ailleurs – Sylvia voulait fêter notre nouveau partenariat d’affaires), j’avais raconté à Matt l’histoire du foulard de soie et le sourire de la dame, qui valait, selon moi, plus que tout au monde. Matt, fidèle à lui-même, a été impressionné.

« J’aimerais bien que tu me montres ce que ça donne, un jour », avait-il dit, sur le ton surexcité d’un enfant qui vient de recevoir une cape de super héros.

Bien entendu, j’avais accepté. Je me voyais mal refuser cela à mon nouvel ami et puis, sérieusement, qui serait capable de dire non à ces yeux-là! Hein?!

Me voici donc en train d’essayer de faire bouger des ustensiles, sous les « Oh! » et les « Ah! » de Matt et les regards amusés de Sylvia. À eux deux, ils faisaient un excellent public. Mais je sentais bien que Sylvia se sentait un peu de trop, quand même, et je me sentais mal envers ma coloc-associée-amie-tout-ça. Bref. Après avoir fait la démonstration de mes maigres pouvoirs et avoir arraché quelques applaudissements à Matt, nous sommes passés au dessert et Matt m’a demandé si je voulais sortir faire un tour. Ma première sortie nocturne en terre humaine! Après avoir consulté Sylvia du regard, genre « Ça va? J’suis assez belle pour sortir? J’ai rien entre les dents? Pas de bouton machiavélique? », elle m’a rassurée d’un sourire. J’ai regretté qu’elle ne soit pas invitée, aussi ai-je voulu lui proposer de venir avec nous, mais elle a prétexté avoir à ranger la salle de voyance et nous a souhaité une bonne soirée en me faisant un clin d’œil entendu. Par la suite, je me suis rendue compte que dans le fond, j'essayais seulement d'éviter que notre sortie ressemble à un rencard…
Mais bon, il est trop tard pour reculer maintenant, nous sommess déjà en route vers ce que Matt appelle une boîte de nuit. Un endroit hyper branché, selon lui. Mais quelle curieuse idée de sortir pour aller s’enfermer dans une boîte, quand même! Sont fous, ces humains!

Nous sommes arrivés devant un bâtiment où les gens font la file. À l’intérieur, une curieuse musique semblable à ce que Sylvia écoute parfois pour se défouler retentit. Je ne comprends pas vraiment ce qu’on attend pour entrer, surtout que la nuit est fraîche… Mais Matt est là, tout souriant, et je le suis sans trop me poser de questions. Il m’expliquera sûrement ce qu’il y a à savoir en temps et lieux, non?

La file diminueet nous nous retrouvons devant un homme assez costaud, grand, qui à la limite pourrait foutre la trouille.
« Votre carte, mademoiselle? », me demande l’homme, tout en me lançant un regard inquisiteur.
De quelle carte il parle, celui-là? Je regarde Matt. Ohoh! Je crois qu’il n’avait pas prévu ça… Ça ne sent pas bon. Pas bon du tout!
« Elle a trente ans, franchement! On n’a pas besoin de se faire carter à cet âge-là, hein mon vieux? Puis, elle est avec moi! », s’écrie-t-il, l’air mi-outré, mi-fier.

L’homme me regarde maintenant de bas en haut, puis fait un signe curieux à Matt avant de nous laisser passer.

« Fiou! », dit Matt. « Heureusement que je suis VIP ici! Leçon numéro 1 : Avoir l’air jeune c’est pas trop bon quand tu sors danser, ici! Puis je n’avais pas pensé aux cartes d’identité. Vous n’avez sûrement pas ça sur votre planète…»

En l’entendant, je fais une grimace. Il m’a fait un compliment en disant que j’ai l’air jeune, mais j’aurais préféré qu’il me dise que je suis jolie, ou à la rigueur « trop canon! »…. Mais bon, c’est lui, l’humain, il doit avoir raison. J’ai l’air jeune. Et il me faudrait une carte d’identité. Mais pourquoi faire? Je ne sais pas trop.

Puis, danser, moi? Je ne suis pas certaine qu’il aimerait que je lui fasse une démonstration des danses traditionnelles de chez-nous dans cette « boîte de nuit ». La honte assurée! Et danser avec lui… Ouf! Juste à y penser, j’ai chaud! Heureusement, on s’assoit à une table et une jeune femme vient prendre nos commandes.

- DIX SHOOTERS!, hurle Matt. La serveuse opine. Elle doit être habituée de se faire crier par la tête des commandes de « Shooters ». La musique est tellement forte qu’on ne s’entend pas penser.
La jeune femme revient avec un plateau de verres miniatures contenant une mixture qui ressemble à de la bave de crapaud. Je regarde Matt d’un air à la fois amusé et dégoûté.

« Tu veux que je bois ÇA? », articulè-je en pointant le plateau.
Matt hoche la tête avec un petit sourire.

« C’est ton initiation! », répond-il. « Deux d’un coup! »

Orgueilleuse et ne voulant surtout pas décevoir celui qui voulait être mon « mentor », je m’attèle donc à la tâche. Ouf! C’est pas de la piquette ce truc! Arrrgh, ça brûle même un peu! Matt en boit aussi, en riant un peu de mon air ébahi. Dans un élan de générosité, il offre le reste du plateau à la table d’à côté, ce qui ne me dérange pas, finalement.

La musique rythmée laisse place à un truc plus lent, plus calme, plus mélodique. Ce genre de musique me rappelle plus chez-moi, et je ferme les yeux un instant, nostalgique.

« Tu veux danser? », me demande mon ami.
Et sans vraiment attendre de réponse, il me prend la main et m’attire vers la piste de danse. Quelques couples dansent, collés. Matt m’attire également contre lui, tout en gardant une attitude de gentleman. Ne sachant pas trop quoi faire de plus, je me laisse donc guider au son de la musique.

- Je suis contente d’être venue, je dis, spontanément.
- Moi aussi, répond Matt.
- Désolée si je te pile sur les pieds… Je n’ai pas vraiment l’habitude de danser ce genre de… comment vous appelez ça?
- Un « slow ».
Un slow… C’est le pire mot de l’humanité pour décrire un moment aussi magique, selon moi. Mais peu m’importe. J’aurais voulu que ce moment dure une éternité. Il ne manque qu’un baiser pour ajouter à la magie. Mais à peine ai-je le temps de rêver à ses lèvres sur les miennes qu’une fille vient poser sa main sur l’épaule de Matt.

« Matt! Je ne pensais pas te voir ici ce soir! », dit-elle, d’une voix incroyablement aiguë.

Cette fille, que je déteste déjà, est rousse (comme une mauvaise sorcière au nez crochu!), grande et a de grands yeux verts. Cette fille, comme Sylvia me l’apprendrait plus tard, est l’Ex de Matt. Ma nouvelle ennemie. Celle qui me donne envie de travailler mes pouvoirs au MAXIMUM pour pouvoir la faire disparaître de ma vie. De NOS vies.

mardi 13 mars 2012

Chapitre 8 - une séance révélatrice!

Chers lecteurs, cela fait bien longtemps que je vous ai abandonnés et laissés sur votre faim dans l'histoire tumultueuse d'Eiryenn.
Allez savoir pourquoi, aujourd'hui, plus ou moins 2 ans après, j'ai eu envie d'écrire un nouveau chapitre. Et comme vous me l'avez fait savoir, vous aviez l'air d'avoir envie de le lire.
Je vous le livre donc. Je ne vous fait aucune promesse sur la suite, encore moins sur la régularité de cette suite éventuelle, mais vous voyez, rien n'est jamais perdu ;)


Voici donc le chapitre 8 d'Eiryenn: Une séance révélatrice!




Ce matin, j'ai envie de me fondre dans le décor, ambiance voyance et boules de cristal au programme!
Tout à l'heure, je dois assister à une séance avec Sylvia, elle reçoit un jeune couple qui cherche à connaitre son avenir.
Comment doit s'habiller l'assistante d'une voyante qui en fait déjà des tonnes?!

Purée, j'ai rien à me mettre pour ce genre d'occase moi!
Et Sylvia qui dort toujours! Je vais aller fouiner dans son placard, on ne fait pas tout à fait la même taille, mais vu qu'elle ne porte que du ample, du froufroutant et du "bohème" comme elle dit, ça ne se verra pas si c'est trop grand.

A midi, quand Sylvia se réveille enfin, je suis fin prête. Du jupon et du voile, dans un joli camaïeu de bleu et de violet, du bijou qui étincelle de fausseté, du maquillage à outrance. Sylvia sort de sa chambre en chemise de nuit de dentelle, l'œil hagard et la mine pâlichonne. Je l'attends de pied ferme, son café fumant dans un bol en face de moi.
Elle s'installe sans un mot, avale quelques gorgées, tout en me regardant, et, une fois que le précieux liquide noir est passé, me dit:

- Hé ben dis donc, t'en as une dégaine, on dirait la mienne! en me lançant un clin d'œil.
- Ben j'avais peur de faire un peu tâche en jean basket.
- Tu as bien fait. D'ailleurs, je vais aller me préparer aussi, ils seront là dans moins d'une heure.
- Je peux aller tout de suite dans la salle? Histoire de pas avoir l'air surprise par le décor?
- fais comme chez toi chère assistante.

Le temps qu'elle file se préparer, je m'introduis dans la petite pièce sombre. Au milieu, une toute petite table, genre guéridon, recouverte d'une minuscule nappe pourpre et encerclée par 4 sièges monumentaux. Sur un petit meuble à côté, tous les accessoires de la parfaite voyante. Boule de cristal, jeu de tarot, tasses à café, encensoirs. Elle est équipée la bougresse! Quand on pense que c'est tout du flan! pfiouhhhh!
Donc cet après midi, je crois qu'en plus du couple à qui elle doit dire l'avenir, nous avons également une vieille dame qui cherche à communiquer avec son défunt mari. Sylvia a en effet élargi ses activités face à la demande de ses clients.
Je dois dire que la deuxième séance me file un peu les boules, rapport à ce que Syl m'a déjà raconté sur le sujet. Elle SAIT qu'elle ne fait que jouer la comédie, et pourtant, à plusieurs reprises, elle s'est elle-même demandé s'il n'y avait pas vraiment quelqu'un lors de certaines séances de spiritisme.

Je m'assois délicatement sur l'un des grands fauteuils en osier, les fesses bien calées, et tente de m’imprégner de l'ambiance. Respirant fortement les fragrances épicées des encens et des huiles essentielles, écoutant l'apaisant clapotis de la petite fontaine décorative japonaise que j'aperçois dans un coin, j'essaie de me mettre en condition.
De loin, j'entends les portes claquer dans l'appartement, et les pas précipités de Sylvia qui tente de se préparer dans les temps.
Quand la sonnerie de la porte retentit, mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Sylvia ne m'a encore rien expliqué, je ne sais pas ce que je dois faire, et j'ignore si elle sera bientôt prête.
Prenant mon courage à deux mains, je décide d'aller ouvrir, après tout, ça ne doit pas être choquant de la part d'une assistante qu'elle vienne vous ouvrir la porte?

Je me faufile donc tant bien que mal ( la pièce est vraiment très exigüe, et très encombrée de tout un fatras aussi moche que probablement inutile) jusqu'à la petit porte qui donne sur l'arrière de l'appartement, dans la petite ruelle, c'est par là qu'arrivent les clients de Sylvia. Ben oui, la porte d'entrée ne devait pas faire assez "ésotérique" je suppose.
Je prends une petite aspiration pour me donner du courage, et j'ouvre la porte sur deux personnes vraiment charmantes. La petite trentaine tous les deux, ils arborent un joli sourire détendu, et un visage accueillant.
Me rendant subitement compte que c'est moi qui suis censée avoir l'air accueillant, j'étale mon sourire le plus avenant sur ma figure, et leur cède le passage avec de grands moulinets des bras, cherchant la phrase d'accueil la plus adaptée possible.

- Bien le bonjour, Madame et Monsieur. Votre avenir vous attend dans quelques minutes, dès que dame Sylvia aura terminé sa séance de recueillement.
Puis, prenant un air de conspiratrice, je leur chuchote
- Oui, vous comprenez, elle a besoin de toute sa concentration avant une séance, car c'est quelque chose de très éprouvant pour un médium.

Les deux hochent la tête d'un air entendu, et s'installent dans les fauteuils sur mon invitation.
Le silence me parait assourdissant tellement j'ignore comment le meubler.

Après quelques minutes à se regarder en chiens de faïence, je finis par craquer et leur proposer un rafraichissement. Soulagés, ils acceptent avec beaucoup d'enthousiasme une tasse de café. Je quitte silencieusement la pièce, et, sitôt la porte refermée, me mets à courir comme une dératée pour essayer de trouver Sylvia. Je la trouve dans la salle de bain, occupée à parfaire son maquillage.
- Mais viens!! Ils sont là depuis 15 minutes déjà! Qu'est-ce que je suis censée faire? Qu'est-ce que je suis censée dire?
- Ah mais, t'inquiète pas chérie! Ajouter du mystère à la situation ne peut être que profitable!
Et elle me passe devant en froufroutant de la jupe, avec un petit clin d’œil à mon intention.
Je la suis maladroitement et, pas garce, l'informe tout de même qu'on est supposé arriver avec du café. Sylvia s'empresse de préparer une pleine cafetière, et emporte le précieux liquide, ainsi qu'un service datant surement de l'ère préhistorique, sur un plateau d'argent, aussi à l'aise qu'un poisson dans l'eau.

Surgissant dans la petite pièce obscure de façon très théâtrale, elle lance
- Très chers amis, vous êtes venus aujourd'hui faire appel aux incroyables dons de médium de Sylvia! Sylvia est prête désormais à vous révéler tout ce qu'elle sera en mesure de découvrir! ( vous remarquerez qu'elle ne dit pas:" toute la vérité sur votre avenir", arnaqueuse ok, mais pas menteuse!)

Les préoccupations du jeune couple étaient en fait assez ennuyeuses, ils voulaient savoir quand madame tomberait enfin enceinte, quand monsieur aurait enfin sa promotion, et s'ils vieilliraient ensemble dans une belle maison.
En quelques claquements de langue, et un peu de chiromancie, Sylvia a expédié tout ça vite fait bien fait.
Et c'est fort heureux car le rendez-vous suivant est arrivé très en avance, et que je l'aurais eu un peu mauvaise de faire poireauter la petite vieille dans la ruelle morbide de derrière.

Une vieille dame succède donc aux tourtereaux, dans cette petite salle angoissante, très sombre, dont quelques recoins échappent à peine à l'obscurité grâce aux quelques bougies disséminées de ci de là.
Et, de sa petite voix tremblotante, elle nous réexplique ce qu'elle nous a déjà dit au téléphone, à savoir que son cher mari est décédé il y a peu, et qu'ils s'étaient toujours promis qu'une fois l'un des deux trépassé, ils feraient l'un et l'autre tout ce qui était en leur pouvoir pour tenter d'établir une communication.
Cela faisait désormais quelques semaines, et la pauvre dame n'avait eu aucun signe probant depuis l'au-delà. Elle tentait donc, par l’intermédiaire de Sylvia, de mettre en place le réseau de communication qui lui permettrait éventuellement de reprendre le contact.
Sylvia semble touchée par son histoire, et je la sens sur le point de tout annuler, elle ne doit pas avoir la force d'escroquer cette pauvre vieille dame. Je l'imagine déjà repartant d'ici, penaude, désespérée, éplorée à l'idée de ne plus jamais pouvoir parler avec son mari.
Je prends donc, bien cavalièrement, les choses en main.
- Bien sur madame! Comme votre histoire est touchante! Sylvia et moi même allons nous faire un plaisir, et un devoir, de vous aider dans votre démarche! (mais qu'est-ce qui me prend moi?)
Le regard ahuri de Sylvia me fait me demander si je n'aurais pas mieux fait de fermer mon clapet!
Mais la petite vieille affiche maintenant un sourire éclatant de bonheur et d'impatience, et nous ne pouvons plus reculer.

La séance de spiritisme se met donc en place, mais je sens d'ici les réticences de Sylvia. Les minutes s'écoulent et rien ne se passe. Elle est en train de refuser de faire son habituelle mise en scène, choquée à l'idée de laisser croire à cette pauvre dame que son mari est là, parmi nous, quand il n'en est rien.
Les yeux ouverts et le regard fixé sur la cliente, j'ai le cœur brisé en découvrant son visage si rayonnant quelques instants auparavant, se décomposer au fur et à mesure du temps qui passe sans qu'aucun signe d'une mise en contact n'apparaisse.
Incapable de décevoir cette gentille mamie, j'interviens à nouveau.
- Charles! Charles, si tu m'entends viens nous rejoindre! Anabelle est là qui t'attend! Anabelle a besoin que tu lui montres que la mort ne vous a pas séparés!

Cette fois, Sylvia n'est plus ahurie. Elle a carrément la mâchoire qui tombe par terre. Je ne sais pas trop moi même dans quoi j'ai mis les pieds, mais je prends le parti d'aller jusqu'au bout pour rendre son sourire à la petite grand mère qui a touché mon cœur.
Je hausse donc la voix.
- Charles! Fais nous un signe!
Dans la précipitation, je ne m'étais pas assurée d'avoir d'objet suffisamment léger à faire bouger. Je parcours rapidement la salle des yeux, vérifiant au passage que ceux de ma cliente sont toujours solidement fermés. La boule de cristal? Carrément trop lourd, ça ne marchera jamais. Le guéridon? Pareil. Les bougies? L'encens? Un peu dangereux à manipuler, surtout avec ma légendaire maladresse! Alors quoi, merde?
Soudain, une illumination. La cliente a accroché, avec son manteau, un foulard de soie à la patère juste au dessus d'elle.
Je le décroche mentalement et le laisse retomber dans l'air. Il entame une descente tout en douceur, frôle le visage de la dame, et viens caresser délicatement ses mains qu'elle tient serrées sur ses petits genoux fragiles, lui provoquant un hoquet de surprise ( mais elle maintient les paupières bien closes) et termine sa chute délicate au sol dans un léger bruissement à peine audible.
Sylvia la contemple, hagarde, se demandant quelle va être la suite des évènements.
Je suis moi même plutôt inquiète car je n'ai absolument rien prévu, et ignore ce que je pourrais faire d'autre...
Et soudain, comme une perle de pluie sur une feuille délicate, une larme se met à rouler sur la joue d'Anabelle. Pas un gros sanglot non, juste une petite larme, d'émotion, toute seule, laissant une trainée humide derrière elle sur sa peau parcheminée, et finissant sa course au creux de son cou ridé.
- Mon dieu! Vous l'avez senti?
Anabelle ouvre les yeux et son sourire est la plus douce récompense que j'aie jamais reçue.
- Vous avez senti ça? Il m'a caressé la joue! Il m'a tenu les mains! Je l'ai senti!

Sylvia n'est pas tout à fait en colère, mais n'est pas franchement contente non plus. Je sens qu'on va devoir parler de tout cela, mais pour l'heure, le bonheur de la cliente fait chaud au cœur. Elle nous informe qu'elle pense que ce lien crée aujourd'hui suffira peut-être à avoir établi le contact, et que son mari parviendra peut-être mieux désormais à la visiter, mais que si tel n'était pas le cas, elle n'hésiterait pas à revenir voir "la grande Sylvia et sa gentille assistante" pour avoir l'immense bonheur de ressentir à nouveau l'homme qu'elle aime.

La porte se referme et un silence de mort s'installe. Sylvia est toujours dans son fauteuil, un coude sur l'accoudoir, l'arrête du nez pincé entre deux de ses doigts. Une petite ride s'est formée entre ses sourcils, et je commence sérieusement à m'inquiéter des conséquences de ce que je viens de faire. Comme d'habitude, je n'ai pas réfléchi avant d'agir, c'est ce que m'a toujours reproché ma mère, et je n'ai aucune idée de la gravité de ce que je viens de déclencher.

Sylvia me demande, sans ouvrir les yeux, pourquoi j'ai fait ça.
Apparemment ma réponse va être déterminante.
- Elle m'a fait de la peine la mémé.
- ...
- J'aurais pas du?
- En tout cas, moi, je n'aurais pas osé. On vient d'arnaquer une petite vieille de 80 piges.
- C'était pas pour l'arnaquer Sylvia, regarde comme elle était heureuse!
- Je sais pourquoi tu l'as fait. Mais ça ne change rien que, devant un juge, on l'aura arnaquée.
- Ben y a plus qu'à s'efforcer de pas aller devant le juge...
- Wé. Tu vas rester avec moi. Tu es ma nouvelle assistante à temps plein. Je n'avais pas réalisé que ton petit pouvoir pourri pouvait servir à quelque chose, finalement.
- Je serai payée?
- Tu seras nourrie, logée, blanchie, et assurée de pas te faire fiche à la porte au moindre caprice. Faudra t'en contenter!
- C'est nul, à part pour les caprices, j'avais déjà tout ça.

Sylvia sourit discrètement et se lève, prête à aller se changer.
- Ca te dit que j'appelle Matt pour boire un verre ce soir?
- Ah oui! je réponds précipitamment. (Trop?)
Le sourire de requin de ma colloc s'élargit. Elle a l'air fière d'elle.

jeudi 14 janvier 2010

Chapitre 7 - Un homme différent...

Quand Matt est arrivé, franchement, je l'ai à peine reconnu... Il avait l'air moins... plus... Enfin, il faut quand même que vous sachiez qu'il s'est présenté hier soir en costard cravate, trop petit pour lui d'au moins une taille, à une soirée raclette! En le voyant ce soir, je me demande encore comment j'ai fait pour ne pas comprendre qu'il essayait de m'impressionner... C'est vrai quoi? Qui se pointe à une raclette party en costume trop serré? Il avait hier les cheveux tirés vers l'arrière, presque noirs de gel, totalement englués, le visage dur et tendu...

Ce soir, vraiment, ça n'a rien à voir.
Il a des mèches chatain clair fofolles qui lui reviennent devant les yeux, qu'il a rieurs, il est habillé classe, mais simple, un petit pull beige, col cheminée, qui semble doux comme un pétale de rose, sur un pantalon noir, une tenue qui lui convient bien mieux, il semble à l'aise, détendu, moins morose, moins pète-cul...

En me voyant, il me sourit immédiatement. Ce que, je crois, il n'avait pas fait une seule fois hier soir.
Il doit bien lire aussi sur mon visage que je suis plus disposée à me montrer ouverte et agréable, et son sourire s'agrandit encore.
Je respire un grand coup, en me disant qu'en fin de compte, cela devrait être une agréable soirée.
Il se penche vers moi pour me saluer et me glisse à l'oreille: "je suis désolé Erine, j'en ai fait des tonnes hier soir, j'ai du te paraitre carrément lourd!"
Lui souriant à mon tour, je lui réponds: " En effet, tu as été lourd et très pénible à supporter."
Je vois bien à sa mine défaite que ce n'est pas tout à fait la réponse qu'il attendait.
Peut-être qu'il va falloir que j'apprenne à ne pas tout laisser sortir comme ça me vient, ça n'a pas l'air d'être le mot d'ordre ici...

Mais Matt semble déjà remis. Il pose sa main sur mon épaule, uniquement couverte de la fine bretelle de ma petite robe noire, et me dit en riant: "décidément tu es une fille vraiment très franche. Un poil trop directe, mais je suis sûr qu'on peut en tirer parti dans une relation."

Une relation? Déjà? Ah oui mais il peut parler d'une relation amicale, fraternelle, ou tout simplement cordiale entre deux connaissances. Ne t'emballes pas Eiryenn, ne t'emballe pas!

Nous nous installons pour déguster un petit verre de vin blanc apéritif, côte à côte, faisant tous deux face à l'œil acéré de Sylvia, qui nous couve littéralement du regard. Puis elle fait mine d'avoir du travail en cuisine ( mon cul! Nous avons choisi les lasagnes ensemble chez le traiteur!)et nous laisse seuls.

Enfin, quand on est deux on n'est jamais seul n'est-ce pas? Cette silencieuse reflexion que je me fais me fait sourire, j'ignore pourquoi.
En tout cas, le moins que l'on puisse dire, c'est que la différence avec hier soir est flagrante, ce même homme que j'ai là en face de moi, celui que je traitais de crétin et de trou du cul ce matin encore, m'envoie des papillons plein le ventre ce soir.
Mais bon, oh! Il est beau et avenant au naturel, d'accord, mais il va quand même falloir qu'il m'en donne plus là pour effacer tous les dégâts qu'il s'est infligé à notre première rencontre.

Histoire de tâter le terrain, je lui balance innocemment: " Tiens Matt, je me demandais, est-ce que tu crois aux choses inexplicables toi? Sylvia me disait que tu t'intéressais beaucoup à ses séances de voyance?" ( hhmmm!! Très discrète comme approche!! pas rentre-dedans du tout!)

"Eh bien oui, j'avoue être assez porté sur le paranormal et le surnaturel, je crois que j'aime me faire peur! As tu déjà assisté à une de ses séances?"

"Non. Pas encore. En fait je crois que c'est prévu pour demain." ( Il va falloir que j'en glisse deux mots à Sylvia)

Merde. La conversation s'arrête-là. On dirait que le feu à du mal à prendre. Cela dit, les silences ne semblent pas gênants. Nous nous regardons tranquillement, en souriant et sirotant nos verres, cherchant à peine de quoi nous pourrions parler.

Quand soudain! (tintintin!) il entre sans le savoir dans le vif du sujet.

"Et alors euh, syl a été assez discrète à ton sujet, je n'ai pas pu lui soutirer grand chose sur ta petite histoire! Je sais juste que tu n'es pas du coin, et que tu ne connais pas encore grand monde, à part ça, la page est blanche!"

"Que voudrais tu savoir?"

"Eh bien, d'où tu viens, ce que tu fais dans la vie, l'âge que tu as, les études que tu as faites, ce que tu aimes! Tout quoi! Je t'ai parlé de moi dans les moindres détails hier, sans te laisser en placer une!"

"Oui c'est vrai que tu as été plutôt égocentrique... ( Oups!) Oh! Désolée Matt... Pas tant que ça en fait... ( il me lance un regard de poisson rouge et je comprends qu'il vaut mieux que j'enchaine) Hé bien, si tu veux tout savoir, je suis assez contente que tu aimes les choses un peu... spéciales et originales..."

"Ah oui? Pourquoi? Tu es du genre passionnée de fantômes et d'incantations vaudou?"

"Non! Euh attends, je vais commencer par le plus simple. Alors je m'appelle en fait Eiryenn, c'est Sylvia qui m'a rebaptisée Erine, elle trouve que c'est plus facile à prononcer. J'ai 30 ans. Et j'aime euhhh les petits chats et le chocolat chaud... Voilà. Et maintenant ça se complique. Mais c'est bien qu'on en parle d'entrée de jeu, au moins, si ça te fait te barrer en courant, nous n'aurons perdu de temps ni l'un ni l'autre, pas vrai?"

"Euh, c'est maintenant que je panique ou je me casse tout de suite en hurlant comme un demeuré?"

" Ben tu verras, écoute moi d'abord"

"Je plaisantais Erine. Ryenn! Eiryenn!"

"Bon. Par quoi je commence... ( je réfléchis intensément, au point que j'ai l'impression que des volutes de buée blanches sortent de mes oreilles). Je viens de.. d'un endroit où tu n'iras probablement jamais, et c'est un endroit très... étrange dans la mesure où tu as toujours vécu ici... Et... ( je m'embourbe là, je le sens bien!) Oh et puis merde! Je suis une magicienne venue d'un autre monde, et j'ai été bannie dans votre monde pour me punir de ne pas avoir assez travaillé mes pouvoirs, là!"

Matt crache maladroitement son vin qui lui est visiblement passé par le nez lors de sa dernière gorgée et tousse à plusieurs reprises.

"Quoi? Attends je crois que je n'ai pas très bien entendu ce que tu disais. Est ce que je délire où tu dis que tu es une sorte de magicienne extra-terrestre?"

" Tu ne délires pas." ( je me sens super conne là, d'un coup! Il ne va jamais croire ça! Il va se lever et se barrer oui!)

Mais il reste assis. Il ne dit rien par contre. Rien de rien. Je ne suis même pas sûre qu'il respire encore, et.. Oh! Mon dieu! Je crois qu'il ne respire plus!
Prise de panique, j'appelle Sylvia à l'aide. Elle débaroule en deux secondes et me demande ce qu'il se passe. Je lui explique que je viens de donner quelques petits détails sur moi à Matt et qu'il est coincé comme ça depuis.
Elle se penche sur lui et lui parle doucement. Elle lui demande plusieurs fois si ça va, s'il l'entend, avant qu'il ne reprenne contenance et couleurs.

"Ca va, ça va. J'ai bien le droit d'être un peu saisi non!"

Muette comme une carpe, je regarde désespérément Sylvia s'asseoir à sa place, attendant que ça passe.

Je tente une approche.

"Matt? Ça va aller dis? Je ne savais pas comment le dire autrement, comment le dire plus... moins directement!"

Dans la seconde, il s'est ressaisi. Il m'a regardée comme on admire une panthère blanche dans un zoo, et s'est mis à me poser plein de questions, demandant plein de détails, notant dans un carnet invisible chaque petite différence qu'il entrevoyait entre nos deux mondes durant mon récit.

Il a été incroyable. Il m'a crue tout de suite, et je l'ai passionné! Vraiment passionné! Je veux dire, on n'a pas entendu la voix de Sylvia jusqu'à ce qu'il reparte! Il n'a fait que m'écouter, quémandant de ci de là plus d'infos, plus de détails... Il a semblé un peu déçu quand j'en suis arrivée à mon piètre niveau de magie, que je lui ai indiqué les quelques maigres pouvoirs que j'avais en quittant mon monde, et dont il s'avère que la moitié est inutilisable ici, comme la suggestion par exemple. En tout cas, inexploitable avec les humains, il semble que les petits animaux soient néanmoins plutôt réceptifs.

Il m'a dit qu'il avait toujours su qu'il rencontrerait quelqu'un de spécial. ( c'est moi!! je suis spéciale!!) et que finalement, une magicienne sans pouvoirs magiques, c'était pas le plus bizarre qu'il pouvait imaginer.

Un peu après minuit, Matt décide qu'il vaut mieux rentrer chez lui, car il devait travailler tôt le lendemain matin. Il m'embrasse timidement sur la joue avant de partir, et me promet de me revoir très vite. Il propose même de m'aider si j'ai besoin, de m'emmener découvrir le monde, et d'aider Sylvia à m'en montrer tous les tenants et les aboutissants. Quoi qu'il en soit, il me dit qu'il ne s'en fait pas pour demain, puisque Sylvia me garde avec elle toute la journée, je dois jouer l'assistante extralucide lors de ses prochains entretiens avec ses clients.

ben j'en ai de la chance, vu ce que je sais sur les humains ( tous des cons arrogants qui pensent tout savoir sur tout l'univers, ou alors, au mieux, une bande d'illuminés complètement allumée), d'être tombée dés le début sur 2 personnes aussi compréhensives et clairvoyantes que Sylvia et Matt. Ils m'ont quand même expliqué qu'il valait mieux garder ma petite histoire pour moi désormais, car le reste du monde n'était probablement pas prêt à l'entendre, et que je risquerais sans doute bien des ennuis si je tentais de gueuler tout ça sur tous les toits.
Soit, au moins je ne suis pas seule, je démarre avec 2 copains qui vont m'aider à vivre ici, une voyante folle furieuse complètement barrée, et un mec qui a toujours pensé qu'il aurait une destinée hors du commun.

Avec tout ça, je suis parée à tout affronter! Non?

mardi 12 janvier 2010

Chapitre 6Bis - Fromage qui pue, soirée perdue!

"Tu vas voir, on va boire un coup, ça va glisser tout seul..."
Rappelez-moi de lui en reparler quand elle se réveillera de sa gueule de bois, la Sylvia!

Mais quelle horrible soirée!

D'abord, ses copains ne sont pas sympa du tout! Mais alors pas du tout du tout! Ils m'ont toisée toute la soirée comme une extra-terrestre... ( bon ok, ils ne sont pas siii loin que ça de la vérité, mais ça se fait pas bordel!). Ensuite la raclette, après un apéro bien costaud et 6 verres de vin à table, quand on a pas l'habitude de boire du tout, ça passe pas très très bien. Enfin, si ça passe, mais ça reste pas en dedans... Et enfin, le Matt, il a beau avoir un prénom de série télé américaine, est loin d'être aussi beau que le vantait la pub! Et puis, il est carrément odieux! Il n'a parlé que de lui, toute la soirée, ne m'a pas posé une seule question, n'a pas écouté un traitre mot de ce que j'ai pu lui raconter, je crois même qu'il ne connait pas mon prénom, bref, bonjour le sens de l'écoute! Pffff...
Je crois que Sylvia a voulu faire sa marieuse, moi en tout cas, je l'ai compris comme ça, et je pense que lui aussi, c'est pour ça qu'il a passé la soirée à me faire l'article de sa ptite personne...
Ben j'espère que mon mutisme de plus de 4h, et le regard de glace que je lui ai envoyé en guise d'au revoir lui auront fait comprendre que, de mon côté, c'est un fiasco total.

Non mais, je n'en reviens pas! Comment a t'elle pu croire qu'on se plairait? Qu'il me plairait? Il est fier, exigeant, macho, égoïste! Attendez un peu qu'elle se lève!

Sylvia surgit, se frottant les temps de ses doigts, le teint cireux, les yeux mis-clos... Ébouriffée, elle n'a même pas pris la peine de se démaquiller hier soir. Je ne vais pas l'agresser avant son premier café car je sais que ce serait le clash assuré.( au passage, le café, comment pouvez vous boire ça? on dirait de l'eau boueuse, et ça a un gout de vieille terre, c'est infâme! mais curieusement, Sylvia ne sait pas s'en passer... Inutile de lui adresser la parole avant qu'elle en ait bu au moins une tasse, c'est comme parler à une chaise avec un chemisier...)

J'attends donc, la mine renfrognée que le liquide noir rallume ses neurones. Elle voit bien que je fais la gueule, mais elle attend d'en être capable avant de me parler.

10 minutes plus tard, elle attaque.

"Bon qu'est-ce qu'il y a?"

Ne sachant pas comment commencer, ni comment ne pas exploser dans tous les sens, je me tais.

" Erine? qu'est-ce qu'il y a? T'as été malade cette nuit non? Ça va pas mieux?"

"..."

"Bon quand t'auras décidé de parler et d'arrêter de faire la gueule comme une gosse de 4 ans tu viendras me le dire hein!"

" t'avais dit qu'on passerait une bonne soirée..." je marmonne.

"Quoi?"

" t'avais dit que ce serait une soirée sympa!" je dis un peu plus fort, sentant déjà la colère teinter ma voix.

" Oui et alors? ça l'était pas? Tu t'es pas amusée?"

"Hein? quoi? et de où que je me serais amusée là? Tu m'as vu m'amuser hier soir? Non!! De toute façon, t'étais tellement occupée à picoler, je vois pas à quel moment tu aurais pu t'apercevoir que je passais une soirée de merde! T'étais là, à roucouler devant tes copains, sans te rendre compte que j'étais coincée à écouter ton abruti de cousin!!"
( moi qui voulait y aller doucement, j'ai ptet laisser aller mes mots un peu loin là.)

Sylvia a les yeux écarquillés.

"mon abruti de cousin..., qu'elle répète sans comprendre, mon abrut... Non mais attends Erine, tu parles de Matt quand tu dis ça là? Ca va pas non?!! Alors tu te calmes tout de suite, et tu reprends avec le respect que tu dois à tout le monde hein!"

( j'le sentais que j'avais pas trouvé les bons mots)

"ok désolée, je pense pas que ce soit un abruti..."

"merci..."

" non mais par contre, il est ni sympa, ni beau, ni drôle, t'en es consciente?"

" mais tu délires!! elle lève les yeux au ciel comme si je traitais Georges Clooney de sale petit crapaud baveux. Dis donc, t'es drôlement difficile tu sais! C'étaient toutes des statues grecques les mecs chez toi?"

"non mais ils ne me manquaient pas de respect, il cherchaient à me connaitre, ils me laissaient parler, ils étaient attentionnés, attentifs, galants..."

"Waip. Ben écoute, je pense que tu vas devoir trouver un moyen d'y retourner alors, parce qu'ici les gars comme ça, ça n'existe pas. Hier tu as rencontré Matt, il a ptet été maladroit je te l'accorde, mais je suppose qu'il cherchait à t'en dire le plus possible sur lui en une soirée, pour pouvoir te plaire. Matt est l'un des plus beaux et des plus gentils mecs qu'il m'ait été donné de rencontrer. Alors probablement qu'il ne tient pas la comparaison avec les apollons qui évoluaient sur ton ptit nuage, mais pour ici, il est top. Du coup, t'as le choix entre t'en contenter, ou rester seule, ou perdre ton temps à essayer de rentrer chez toi. Vu?"

" Ralala mais tout de suite tu t'énerves! T'es sérieuse? Ici on trouve pas mieux que Matt?"

" Ben ptet, mais pas souvent!"

Je me rends compte que je l'ai peut-être jugé un peu à la légère, un peu sévèrement. Au lieu de le comparer avec ce qui est comparable, les autres mecs d'ici quoi, je l'ai comparé à chez moi. Où déjà, il n'y a qu'un homme pour quarante femmes, ce qui suffit largement à les rendre complètement irrésistibles, mais en plus, ils sont tous merveilleux.
Peut-être devrais-je revoir Matt? Sans la surprise du rendez-vous arrangé, sous un autre jour, le mettre à l'aise? Si ça se trouve, il a passé la soirée à parler juste pour combler les blancs que je m'efforçais de mettre en place, EXPRES?

"Sylv?"

"Wé?" elle me répond tout en attrapant son paquet de cigarettes, le rituel habituel après le café.

" Tu l'inviterais pas à manger ce soir? Juste lui?"

Je vois bien à son sourire en coin qu'elle est fière d'elle, la vilaine. Elle saute sur son portable pour appeler Matt, qui n'attendait apparemment que ça, et rendez-vous est pris pour ce soir.

"En partant du principe que je vais peut être pouvoir en placer une ce soir, tu crois que je dois tout lui dire?"

"A quoi tu penses au juste?"

" Ben si je lui dis pas d'où je viens, et qui je suis réellement, je vais lui raconter quoi? et pis serait pas bien de démarrer sur des mensonges, tu crois pas?"

"Euh... j'avoue que je n'avais pas pensé à ça... Ecoute, je dirais que Matt est plutôt ouvert, il croit aux sciences occultes tout ça, donc pourquoi pas tout lui dire? Si ça le fait partir ou s'il te croit folle, tu seras fixée pour l'avenir, car si lui n'est pas capable d'assumer ça, personne ne le sera!"

" okay... Voilà qui me met à l'aise!"

" Bon, et en attendant ce soir, on va aller faire un peu les magasins, pour te faire toute jolie, et j'ai quelque chose à te montrer dehors de toute façon"

On quitte l'appartement, et pour la première fois depuis mon arrivée, Sylvia décide qu'on ne sort pas à pieds, elle se dirige vers le garage pour prendre la voiture. J'ai déjà vu beaucoup de voitures dans la rue pendant qu'on se promenait, mais je ne suis jamais montée dedans.
C'est tout de même très différent de nos hippocampes, avec qui on crée un lien de confiance, qui a une conscience propre, et ne va pas se mettre en danger,et donc, pas risquer nos vies. Tandis que vos machines là, si elles doivent foncer dans un mur, elles ne vont pas s'arrêter!
Pour ne pas paraître idiote, je monte néanmoins à côté de Sylvia, drapée dans ma dignité que je sens s'effilocher en même temps que s'égrainent les secondes...

A la limite du mal de mer tout le trajet, je gère tout de même vaillamment la situation, en ne disant pas un mot. Après un petit arrêt dans un grand magasin, où j'ai trouvé une adorable petite robe, nous reprenons la route et Sylvia s'arrête devant un vieux bâtiment, qui sent les poils mouillés...
Je lui demande ce qu'on fait là, et elle m'explique qu'elle me trouve un peu irresponsable, enfant gâtée, gogosse quoi. Et qu'elle ne connait qu'un moyen non dangereux pour autrui de m'inculquer le sens des responsabilités, c'est d'adopter un petit animal dont je devrai m'occuper, que je devrai aimer, et pour qui je serai tout, protectrice, nourricière, maman, câline... Elle me dit aussi que ça fait partie du programme d'apprentissage 1 pour 1 ( Une belle chose pour une mauvaise).
Nous sommes à la SPA. L'endroit où on retrouve de pauvres petites bêtes abandonnées par leurs maîtres, où on croise des regards qui en disent très long sur la tristesse qu'ils ressentent... Et en même temps c'est un endroit rempli d'amour, des gens travaillent ici bénévolement pour recueillir et s'occuper de ces petits êtres sans défense, délaissés. Des gens qui leur cherchent un nouveau foyer pour leur donner une seconde chance.

1 pour 1, tout à fait exact. La cruauté des maîtres qui les ont abandonnés, face au grand cœur des bénévoles. Les êtres humains sont si compliqués, ils peuvent être parfaitement sans cœur, ou débordants d'amour, au choix.

j'ai fait 6 fois le tour. Je ne connaissais ni les chiens ni les chats avant de venir ici. Chez nous, nous n'avons pas ce que vous appelez des animaux domestiques. Il y a beaucoup d'animaux, qui vivent en liberté, mais rien qui ressemble à ces adorables boules de poils.
J'étais incapables de choisir. J'aurais voulu tous les emmener pour les sortir de là. Du coup, Sylvia est intervenue, j'imagine qu'elle a eu peur pour son appartement.
Elle a demandé à ce que 3 chatons et 3 chats adultes soient amenés dans une pièce avec moi, et m'a murmuré: "eux aussi, ils ont le droit de choisir."
Je me suis accroupie au milieu et ai attendu. Un gros chat roux et blanc s'est immédiatement approché, pour se frotter contre moi en faisant voler des nuées de poils blancs. Sylvia a dit: "Adopté!". Mais je n'ai pas bougé. Je regardais un petit chaton gris zébré, adorable, apeuré visiblement. J'ai tendu la main et il est venu tout de suite, s'est lové sur mes genoux. J'ai dit à Sylvia: "Adopté!" avec un grand sourire.

Voilà comment nous sommes rentrés avec 2 chats mâles, "Elyio" et "Nahel" ( elle m'a laissé choisir les noms, j'ai choisi les prénoms de mes 2 frères ainés), responsabilisées pour 10 ou 15 ans, en achat de croquettes, litières, et problèmes de garde pour les vacances.

Bon et maintenant, on s'occupe de nous, bain, maquillage... Sylvia me demande si je me suis épilée et je ne comprends pas ce qu'elle veut dire ( nous n'avons pas de poils nous!! Pour quoi faire?) et je termine ma coiffure sous l'oeil envieux de Sylvia qui se met à se torturer les jambes, la pauvre!

Ce soir, je dois découvrir la beauté de Matt, sous sa carapace de trou du cul!

lundi 11 janvier 2010

Chapitre 6 - Fromage qui pue!!!

Ben dites donc, j'aurais jamais cru qu'apprendre à vivre comme les humains demanderait tant de travail!
Avec Sylvia, on n'arrête pas! Quand elle ne m'emmène pas à droite et à gauche pour me montrer toutes sortes de choses, elle me raconte, toute la sainte journée, tout ce qui lui passe par la tête.
C'est épuisant! Quand je m'endors le soir, j'ai la tête comme une pastèque, ça fumerait presque! Je pense à toutes les choses que j'ai vues dans la journée, tout en me demandant comment vous faîtes pour vous endormir tous les soirs après avoir vu tout ça.
Je me rends bien compte maintenant que ma vie d'avant n'était pas une vie! Certes, pas de malheurs, pas de famine, pas de misère, pas de criminels... Mais alors, qu'est-ce qu'on se faisait chier!
C'est vrai quoi, il ne se passait rien ou presque chez nous... Nous n'avions pas les drames, mais nous n'avions pas non plus les joies... Nous n'avions rien.

Bef. Apparemment ce soir, je continue mon apprentissage gastronomique.
Jusque là, Sylvia a essayé de ne pas trop me choquer en matière de nutrition. Elle a attentivement écouté le genre de choses que je mangeais chez moi, et adapté sa cuisine en fonction. Des légumes cuits, en majorité, et des plantes en tisane.
Bref, pas folichon. Mais alors hier, elle a décidé de me montrer qu'on peut manger "autrement".

Hier soir, elle me dit: "ce soir, on va manger un plat bien de saison, une raclette!!"
"ah? c'est quoi?"
"du fromage fondu!!"
Bon ça ne m'a pas fait peur, j'ai déjà gouté du fromage. ( elle m'avait une fois tartiné du kiri sur une tranche de pain)
Alors euh, par contre, quand elle a déballé "la bête", j'ai cru que j'allais m'évanouir!

"mais Sylvia, il est plus bon ton fromage, tu sens pas ça?"
J'avais presque la nausée, mon petit nez délicat, habitué aux doux effluves floraux et aux fragrances nuancées de la nature, s'est senti quelque peu... agressé par ce qui m'attendait sous l'emballage de la crémerie. Quelle horreur!!
Ca sentait comme les pieds de l'ami de Sylvia, qui vient souvent nous voir en fin de journée. ( Sylvia insiste pour que tout le monde retire ses chaussures en entrant chez elle, ça a l'air d'être une bonne idée, mais pas tant que ça, ça dépend des visiteurs, je dirais...)
Le truc infâme!
Et Sylvia se marre, mais continue de préparer.

"Ca sent fort c'est vrai, mais tu verras, c'est vraiment excellent"

(parce qu'elle compte tout de même me faire avaler CA????)

"D'ailleurs Erine, tu pourrais ptet me donner un coup de main pour une fois! Allez bouges ton cul et viens mettre la table!"
"De quoi?"
"Tu te lèves, tu prends les assiettes, tu viens les disposer sur la table... T'es débile ou quoi? T'as jamais mis la table de ta vie?"
Réflechissement intensif.. non à priori non, je n'ai jamais mis la table de ma vie.
D'abord parce que avant d'arriver ici, j'étais chez ma maman. Et je suis sure que beaucoup d'entre vous apprécient particulièrement d'être chez maman car il suffit de mettre les pieds sous la table et s'asseoir confortablement. Et ensuite parce que je n'en aurais jamais eu le temps! Faut dire que maman se cassait pas trop le cul non plus hein pour ces choses là. Parce qu'ELLE, elle n'était pas en rade de pouvoirs! Elle en avait plein. Et tout ce qui lui servait pour le quotidien, vous n'avez pas idée!
Alors hop! quand elle avait faim, un ptit coup de baguette et c'était tout prêt hein. Vous ne croyez pas qu'elle prenait le temps de faire les courses, la popote, mettre la table, faire la vaisselle?? Ca on connait pas par chez moi!

Bon alors, pour aider Sylvia, je me suis concentrée à mort, mais ses foutues assiettes n'ont pas bougé d'un poil... Du coup, j'ai laissé tomber et continué à ne rien faire. Et Sylvia se met à gueuler:
"Bordel Erine, tu viens m'aider ou quoi?"
"mais j'ai essayé ça marche pas!"
"De quoi ça marche pas? tu t'es même pas levée! Ahhhhh!! Attends, t'essayes avec tes pouvoirs de lévitation là? Te fous pas de moi, j'ai vu ta tête qu'on dirait que tu pousses sur les toilettes! Tu TE LEVES LE CUCUL et tu prends les assiettes dans la cuisine, et tu les amènes ici! AVEC TES PTITES MIMINES! Compris?"
Vexée, je m'exécute néanmoins, car je crois que je crains un peu Sylvia quand elle se met à beugler comme ça. ( Chez nous, personne n'élève jamais la voix non plus...)

Bon elle a du repasser derrière moi pour remettre correctement les couteaux et les fourchettes du bon coté, placer les serviettes de table, centrer les assiettes, mais au moins elle a arrêté d'hurler..

Un peu plus guillerette, elle m'annonce:
"Bon et pour savourer une vraie bonne raclette, symbôle eternel de la convivialité, on ne va pas manger que tous les trois ce soir! ( Quand elle dit "trois" elle compte Baptiste, son ami). J'ai invité un couple d'amis avec qui tu devrais bien t'entendre, et mon cousin, que tu vas A-DO-RER!"
"Ah bon? Pourquoi?"
"Pourquoi quoi? pourquoi je les ai invités? Ben je viens de te le dire, parce que la raclette, c'est le vrai pur symb..."
"Non! Pourquoi je devrais bien m'entendre avec le couple et adorer ton cousin?"
"Ahhh! Ben mes amis sont des gens super simples ( elle a dit "très" simples ou "trop" simples?) qui ne se prennent pas la tête, et ils sont très drôles, tu vas passer une bonne soirée! Et Matt est euh... comment dire... vraiment très intelligent?"
"Intelligent comme je déballe ma science dés que j'en ai l'occase et personne ne peut en placer une tant que je ne suis pas en train de reprendre ma respiration?"
"Mais non bécasse, intelligent dans le sens aïe caramba! quel demi dieu!"
"Hein? c'est à dire?"
"J'avais pas pensé que tu n'avais aucune de nos expressions non plus, pfffff, on a pas fini... Les mecs qui trouvent une fille très belle, disent toujours "elle a l'air très intelligente" mais d'une façon euhh ironique, tu sais ce que c'est ironique n'est ce pas?"
"euhh c'est comme quand tu dis que Bapt, il a les pieds qui sentent la violette?"
"Arfffff. Wé. C'est ça. C'est exactement ça! Vache, t'apprends vite quand même toi, mine de rien!"
"Wé. Donc, ton cousin est super beau. Et? C'est tout?"
"Non, il est marrant et tout, mais tu verras, tu jugeras par toi même. Oh et puis on va boire un petit coup en apéro, et un peu de vin à table, tu vas voir, la soirée va glisser toute seule. Enfin, façon de parler..."


Vous souhaitez savoir si l'odeur aura eu raison du coeur de Eiryenn?? si elle a un peu vomi après avoir gouté la raclette? Si son coeur va chavirer pour l'irrésistible Matt?? N'hésitez donc pas à repasser ce soir pour le chapitre 6Bis!!! :D

Oui c'est une fin à la Luc Besson, c'est vrai, mais je vois pas pourquoi y aurait que les grands pros qui pourraient faire ce coup là. Et estimez vous heureux, ça coute pas 9€ de venir lire chez moi!!!

mercredi 6 janvier 2010

Chapitre 5 - De decouvertes en decouvertes

J'ai été réveillée très tôt par un bruit tonitruant! j'ai accouru dans la grande salle de l'appartement, affolée. Sylvia était en train de se trémousser de manière extrêmement désordonnée sur un bruit tout à fait assourdissant.
Elle se tordait comme une folle dans tous les sens, on aurait dit qu'elle ne contrôlait plus ses bras. Très bizarre. Quand elle m'a vue, elle a tourné un bouton et le vacarme a été moins fort.

"Mais bordel Sylvia, mais qu'est ce tu fous? C'était quoi ça?" je lui dis, encore toute palpitante de la valve cardiaque.

"Bêh!! Je danse Erine!"

" Tu quoi???????????"

On croit rêver, si danser c'était ça, ça se saurait. Chez nous, la musique est douce, fluide, reposante. Et nous ne dansons que si c'est pour effectuer un rituel magique bien particulier.

" et ce bruit, c'était de la musique donc?"

"Ah ben wé, la meilleure même. Attention hein, j'écoute pas ça toute la journée, normalement, avec les consultations et tout, je mets l'ambiance avec des chants religieux, tout ça, mais quand c'est pour moi, ben ouais, c'est plutôt metal..."

"metal...?"

"ben wé. Metallica tout ça. ça fouette le sang non?"

" ah pas qu'un peu même, j'ai cru être en train de faire une crise cardiaque, c'est vraiment... fort."

"rappelle moi de t'emmener à disneyland toi, on se fera l'aerosmith, ça devrait te plaire" elle marmonne.

Pas le temps de répliquer, Sylvia tourne à nouveau le bouton pour emplir l'appartement de ce bruit incroyable. J'aurais pu baisser le son rien qu'en le souhaitant, mais j'ai préféré ne pas relever l'affront.
Je me suis sauvée dans le coin le plus reculé de l'appartement, et ai compulsé une encyclopédie, volume "B" histoire de ne pas avoir de temps mort dans mon apprentissage. Rien de très palpitant dans les "B" j'ai vite fait le tour. Puis j'ai attendu que Sylvia soit trop essoufflée pour continuer de gigoter frénétiquement.
J'ai entendu la douche couler et j'ai attendu encore.

Puis Sylvia est apparue. Belle, apprêtée, maquillée, une nouvelle robe longue asymétrique noire, bleue nuit et violette.

"Aloooors?? qu'est ce que tu veux faire de beau aujourd'hui??????"

"Je ne sais pas, il y a encore des choses que je dois voir tu crois?"

"... Tu penses peut-être avoir fait le tour du monde en 3 jours? Il en a fallu 80 à Philéas Fogg pour que l'histoire ressemble à quelque chose, alors t'as pas fini, qu'est-ce que tu crois? Bon tu veux voir de belles choses ou de mauvaises choses?"

"qu'est ce que c'est que ce choix tout pourri? Pourquoi pas me demander si je préfère avoir une jambe en mousse ou un bras de 9 mètres?" ( NDLA: Palmade, je t'aime ;) )

"ben je vais te montrer les choses qui sont différentes ici de chez toi, mais il y a des choses mieux ici, et des choses nettement moins bien ici que chez toi. Tu veux voir les avantages de ton nouveau monde, ou les inconvénients d'y être coincée?"

" euh, je sais pas, commence par les mauvaises nouvelles?"

"Okay, go!"

Manteaux à peine enfilés, elle m'a entraînée dans les rues froides, gelées, humides, sombres malgré l'heure. Après quelques virages dans les dédales de la vieille ville, nous sommes arrivées sur une place minuscule, entourée de nombreux porches, où s'agitaient une bande de vieux loqueteux aux multiples couches de vêtements rapiécés.

"Sylvia, qu'est ce qu'on fout là? On est obligée de passer par ici? Ces cons-là ne m'inspirent pas super confiance là, viens on fout le camp."

"Sois pas conne. Hey!! JP!!" elle s'écrie tout sourire en agitant la main vers un des vieux, dont le visage s'illumine soudain en la découvrant.

"putain Sylvia, ça fait un bail, t'étais passée où saloparde?" et il lui met une de ces claques sur l'épaule, j'ai cru qu'elle aller se ramasser les dents sur le pavé!

"Erine, je te présente JP. C'est un vieil ami à moi"

"Ah?" je fais, avec l'air le moins dégoutté que j'ai trouvé. ( il pue le mec, vous avez pas idée!)

Après avoir fait la tournée de bisous des vieux dégueu, Sylvia m'entraine un peu à part du groupe, pour me raconter l'histoire.

"Voilà, ça c'est une très mauvaise chose ici. Quand tu n'as plus d'argent, tu ne peux plus garder ton logement, et tu te retrouves à errer dehors. Ces gars là dorment dehors par tous les temps depuis plus de 20 ans. Ils restent ensemble toute l'année, pour se tenir chaud, pour ne pas devenir fous. L'argent fait beaucoup beaucoup de malheureux et ne fait en aucun cas le bonheur quand tu en as. Il n'y a pas d'argent chez toi, pas vrai?"

Je laisse mon regard se promener sur le groupe, je ne les vois déjà plus comme des grabataires sales et puants, mais comme des malheureux qui ont juste manqué de chance à un moment, j'ai mal au cœur, j'ai presque la nausée. Comment peut on les laisser comme ça? Il doit faire quelque chose comme moins quinze! Comment survivent-ils? Et pourtant, ils sont là, bien vivants, plein d'énergie. Ils ont même carrément l'air heureux, jusque parce que Sylvia leur rend visite.
Tout bien réfléchi, je dirais que c'est une mauvaise chose, mais qui en abrite une belle. Que les reclus, les rejetés de la société, arrivent à se rassembler entre eux, et à se créer un semblant de bonheur rien qu'en étant ensemble, à la chaleur humaine, faute d'avoir la chaleur d'une maison, c'est atroce, et en même temps, c'est super beau.

Chez nous, il ne fait jamais froid, nous construisons nous même nos maisons, sans devoir donner quoi que ce soit à qui que ce soit, une petite formulation magique et hop! Pourquoi n'est-ce pas aussi simple dans tous les mondes? La misère est vraiment une très, très mauvaise chose de votre monde.

Sylvia surgit à côté de moi.

" tu veux que je te montre tout de suite une belle chose, pour équilibrer?"

"carrément!"

Elle fait un petit tour sur elle-même, une sorte de révérence et:
"tadaaaaaaaaaaa!"

"quoi tada? où tada?"

" c'est moi la belle chose. Il y a 9 ans, je vivais avec eux ici, sans abri. Je dormais sur une marche, sur un vieux carton. Tous les soirs. Et puis JP m'a trouvée et protégée, ainsi que tout le groupe. J'ai passé plus d'un an ici. Je n'avais plus d'argent tu comprends, alors je n'ai pas pu garder mon logement, plus de travail, plus rien. Et il fallait qu'on passe le temps ici, alors j'ai commencé à lire les lignes de la main, tirer les cartes pour mes copains. Et JP m'a mise en avant dans la rue, il rameutait des clients... Et petit à petit, j'ai eu assez de fric pour sortir de là. J'en garde toujours un petit peu de coté pour eux, je leur en donne chaque fois que je viens. S'ils n'avaient pas été là, je serais surement morte. Ca pour moi, c'est une des très bonnes choses de notre monde. Derrière l'horreur et la misère, il y a des coeurs gros comme ça. Des gens qui aiment les autres malgré tout ce qu'on leur a fait subir. C'est une belle chose non?
Regarde-moi aujourd'hui, c'est moi qui recueille les pouilleuses dans ton genre" elle ajoute avec un clin d'œil. (le clin d'œil, ça doit être le contraire du soupir, j'ai bon?)

"exactement ce que j'étais en train de me dire..."

Mais quand même ce serait plus beau si d'un coup de "baguette magique" ils pouvaient se construire une maison, ces cons d'humains.

mardi 5 janvier 2010

Chapitre 4 - il ferait pas un peu froid par chez vous?

Hé bien. Voilà 2 jours passés extrêmement... instructifs...!!

J'en apprend des choses depuis mon arrivée. Vraiment votre monde ne fonctionne pas du tout comme le mien.
D'abord, c'est quoi ces bordel de températures? -10°!! Non mais vous vous rendez compte? La neige, le verglas, ça glisse... Le froid s'insinue à travers les vêtements jusque dans les os! C'est un scandale!
Chez moi, il n'y a qu'une saison, c'est le printemps tout le temps! Ni trop chaud ni trop froid... Jamais je n'avais vu les arbres tout nus. Jamais je n'avais vu les petites étoiles glacées et blanches qui tombent du ciel. Bon attention hein, je trouve ça joli, je peux pas dire, mais quoi! Il fait trop trop froid là!
En plus Sylvia a décidé qu'avant toute chose, je devais aller me mêler au commun des mortels. Traduisez "mets un cache-nez, et vas te promener!" A pieds!
Elle veut que j'observe, ce qui m'entoure, tout ça. Il parait qu'il n'y a que comme ça que j'apprendrai.
Donc, pendant que madame reçoit ses clients au chaud dans l'appartement, moi, zou dehors! Du matin jusqu'au soir.

Hier, lors de ma première sortie, j'avais beaucoup marché à l'aller... J'ai pris dans un parc un petit véhicule à 2 roues, appartenant à un enfant semble-t'il, en me disant que je rentrerai surement plus vite avec ça. Hé bé! Sa maman n'était pas très compréhensive! Elle m'a poursuivie avec son parapluie en hurlant comme une damnée, et un homme m'a fait tomber en me rattrapant, alerté par ses cris de folle furieuse!
Je n'ai pas compris sur le coup. Chez moi, je ne compte plus les fois où, petite, un adulte m'a emprunté mon hippocampe de terre pour ne plus se fatiguer à marcher! Apparemment ici, c'est pas trop comme ça que ça marche. Aucun respect pour les plus âgés, ça veut dire quoi ça!!

Alors j'ai du marcher... Avec une sacrée douleur en prime à la cuisse, là où le gars m'a attrapée pour me faire tomber...
Je suis rentrée tard, Sylvia commençait même à s'inquiéter... Quand je lui ai raconté ce qui s'était passé, elle a encore soupiré. ( ça doit exprimer un sentiment, de soupirer comme ça tout le temps, ou alors une grâve maladie).
Elle m'a dit qu'il n'était plus question que je me promène seule tant que je n'aurais pas acquis les bases de votre société.
Du coup, ce matin, elle est sortie avec moi. Elle m'a emmenée jusqu'à un bâtiment appelé "ANPE". Il parait que je devrai y aller très bientôt. Elle m'expliquera dans le détail une autre fois, mais grosso merdo, ce que j'en ai compris, c'est que c'est là qu'on nous donne du travail. Bon très bien, je verrai bien!
En fait d'observer, on a surtout beaucoup parlé. Il semble qu'elle commence à me croire. Elle m'a demandé ce que j'avais comme pouvoirs. J'ai rougi. Je lui ai expliqué que pour une maginatrice, chez moi, j'étais vraiment une plouc. Les plus grands maginateurs de mon monde sont de niveau 65 à 70. Et que moi, j'étais niveau 1. Qu'est ce que ça veut dire les niveaux? Oh ben c'est le nombre de pouvoirs qui ont pu être constatés, vérifiés par un examinateur.
"Donc, ça veut dire que tu n'as qu'un seul pouvoir?"
"pas vraiment, ça veut dire que je n'ai qu'un pouvoir qui a pu etre validé. J'ai d'autres pouvoirs, mais je ne les ai pas suffisamment travaillés pour qu'ils soient mesurables"
"d'accord, c'est quoi ton pouvoir validé?"
"métamorphose"
"quoi tu veux dire que tu transformes les princes charmants en crapaud? Ou l'inverse.. je sais plus"
"ben si tu veux, si t'as un prince charmant à transformer en batracien, je peux te dépanner. Mais bon, c'est n'importe quel être vivant à transformer en n'importe quel autre être vivant, que je sais faire moi."
"ouah!"
"Wé."
"et ceux qui sont pas validés? c'est quoi?"
"oh ben j'en sais rien, je sais faire des petites choses, mais si je travaillais, ça deviendrait aussi impressionnant que la métamorphose quoi."
"oui mais comme quoi?"
"ben là tout de suite en l'état actuel de mes capacités, pas grand chose... Je peux... faire aboyer le chien là bas, juste par suggestion... et je sais.. euh... déplacer un peu les objets? Pas beaucoup, de quelques centimètres juste..."
"Ouais, en effet, c'est pas génial" qu'elle me dit en se moquant.

Par vengeance, j'essaie de toutes mes forces de lui "suggérer" de trébucher sur son pied gauche. Rien ne se passe. Rhââââ, déjà que chez moi, j'avais un niveau pourri, ici ça devient ridicule si les humains ne sont pas DU TOUT sensibles à la suggestion!

Me voyant grelotter sous mon manteau ( qu'elle m'a gentiment offert, il est rigolo, tout noir, avec quelques grosses fleurs vertes et oranges... Cette nana a vraiment un style vestimentaire très particulier. Elle appelle ça "bohème", elle dit que ça va bien avec son métier, ses longs cheveux corbeau, ses grands yeux noirs. Moi j'ai plutôt l'impression qu'elle a attrapé le premier truc pas classique dans chaque magasin, et qu'en les mélangeant, ça fait un style tout bizarre) elle m'a proposé d'aller boire quelque chose de chaud. On s'est donc arrêtées dans un café, où elle nous a commandé deux "chocolats chauds" en me disant que c'est la meilleure chose qui existe au monde ( tiens donc!! j'ai hâte de constater ça!)

Les tasses arrivent, et elle commence à touiller la sienne. Elle me demande de lui passer le sucre.
Désireuse de lui prouver que je ne raconte pas que des conneries, je me concentre à mort pour essayer de le faire glisser vers elle...
"Oulah, Erine!! Ca va pas?? T'as pas l'air bien! Tu dois aller aux toilettes?"
Je ne relève pas et me concentre de plus belle.
Le sucrier tremblotte, mais ne cède pas.
A bout de souffle, j'abandonne. Devant mon air frustré ( et peut etre aussi un peu le fait que je ne lui passe finalement pas le sucre), elle a du comprendre ce que j'essayais de faire. Elle attrape le sucrier, en met un peu dans sa tasse, et le repose exactement à sa place.
Elle me regarde et me dit:

"Et si tu t'entraines ici, sans l'avoir fait dans ton monde, tu crois que tu peux encore les développer tes pouvoirs?"

"Bonne question! Tu sais chez moi, les maginateurs c'est pas des rigolos. J'imagine que s'ils m'ont bannie ici, c'était pas pour m'offrir des vacances. Je pense que je vais rester coincée avec mes pauvres pouvoirounets et devoir apprendre à faire avec. Punie quoi! Après avoir toujours connu le monde magique et les facilités que la magie donne à ses possesseurs dans la vie de tous les jours, ça devient, demerde toi sans rien et bon vent!"

"Ou pas!! Si ça se trouve!"

Elle me fait rire Sylvia! Elle ne sait pas voir les choses de manière négative, c'est sûrement mieux comme ça, mais des fois, je me dis qu'elle pourrait essayer de se mettre à ma place.
Remarque, elle n'a ptet pas tort... Ca s'trouve.

Au final, nous n'avons pas repris la promenade. Coachée et encouragée par Sylvia, j'ai passé l'après midi à tenter de faire bouger cette saleté de sucrier. Après plusieurs heures où tout le café a du se demander si je n'avais pas de sérieux problèmes intestinaux, Sylvia a eu une illumination.

"C'est trop lourd!" qu'elle s'écrie!

"quoi trop lourd? Normalement, les maginateurs pourraient déplacer, je sais pas moi, des aéroports?"

"Wé. Mais toi, tu sais pas le faire. T'as des bébés pouvoirs quoi. Est-ce que tu demanderais à un bébé de soulever de la fonte?"

Je regarde bêtement le sucrier, qui m'a l'air d'être fait de tout, sauf de fonte.
Sylvia m'approche la petite touillette en plastique de sa tasse et la pose sur la table.

"Testes avec ça pour voir"

Elle m'énerve, mais je ne riposte pas. Je me concentre sur la minuscule cuillère qui se met tranquillement à glisser sur la table. Doucement mais sûrement. Aller, retour, aller, retour.

Sylvia est subjuguée!

"Je crois que je ne te croyais pas, au fond de moi, tu sais Erine."

Fierote comme un pou, je lui répond "Je sais."

Je crois que aujourd'hui, nous avons scellé une sorte de pacte pour toujours. Notre relation va être forte. Probablement très compliquée. Mais forte.


Et le chocolat chaud, c'est vrai, c'est bon. C'est doux. Chez moi on ne boit que des décoctions de plantes, souvent très amères, avec du miel. Et je dois dire que vous avez ici des petites merveilles en matière de nourriture.

dimanche 3 janvier 2010

Chapitre 3 - premier soir chez les humains.

Cela doit faire 2 heures que nous sommes arrivées chez Sylvia. (Sylvia c'est le nom de la voyante un peu bargeot)
2 heures passées à tout lui raconter, en long, en large, et en travers. Soit elle ne comprend rien quand je lui parle, soit elle n'écoute carrément pas, soit c'est pas clair quand je m'exprime. ( c'est clair ou pas?)
Toujours est-il qu'après tout ça, on dirait toujours qu'elle ne me croit absolument pas. Apparemment, hors transe, une voyante extralucide n'est pas hyper crédule. A noter pour plus tard...

Bref, elle a clôturé la conversation, en me disant que quel que soit l'endroit d'où je viens, si je suis vraiment certaine qu'il n'y a aucune chance pour que j'y retourne, il faut que j'aille de l'avant et que je me mette à la page de mon nouvel environnement, à savoir: un travail (arf! Je ne sais même pas ce que c'est!), la technologie ( pour faire quoi?), un loyer, un appart, des amis, des sorties, des factures, et des loisirs.
Okayyy... ( j'ai rien compris, j'imagine qu'on y reviendra.)

Elle m'a dit qu'il fallait que je commence par mon prénom. Qu'il n'était pas concevable de s'appeler Eiryenn dans le monde d'aujourd'hui des pauvres mortels. Ah. Parce qu'il s'appellent tous Sébastien, ou Philippe, Caroline ou Stéphanie... si j'ai bien tout compris. Donc je lui dis que je préfère Caroline. Tant qu'à faire que j'en choisisse un qui me plaise... Elle se remet à rire comme une baleine, et me dit qu'on en est pas là, qu'on va juste "transformer" un peu mon prénom à moi.
Et du coup, elle a décidé de m'appeler Erine. Pas grave, je m'appellerai Caroline quand je dirigerai le monde.

Donc, moi Erine, toi Sylvia, tout ça, on le tient bien, c'est tout bon. La suite!

Elle me dit que si ce que je dis est vrai, ce monde va me paraitre très différent du mien, et qu'il va falloir que je m'accroche. ( déjà, apparemment, elle est sûre et certaine que je ne vais pas aller suuuuper loin dans la conquête de la suprématie. Ouais, bon, pour ce qu'elle doit en connaître, celle-ci, de l'ascension du pouvoir hein!)
Elle pense qu'il faudrait que j'y aille doucement, pour ne pas prendre tous les changements dans la tronche d'un coup.
Donc, première étape, et unique étape pour ce soir, elle appelle ça "relooking". Hop ma tunique vole en une seconde et me voilà à afficher ma timide nudité à la face du monde! Je lui demande si elle pourrait "se grouiller, merde!" assez impoliment je l'avoue, et ne m'adressant finalement qu'à ses fesses dodues, le reste de sa personne étant momentanément enfoncé jusqu'au dos dans un de ses placards, à la recherche de la tenue adéquate pour moi. ( déjà elle rêve un peu je crois, que ses vêtements m'aillent sans reprendre au moins la taille. Et les hanches. Et les bras. Et raccourcir... pfffffff ça ne m'ira jamais!)

Sylvia réapparait. Elle brandit deux bouts de chiffon de couleur plutôt claire, mais indéterminée. " je mettais ça au collège!!! j'étais toute mince à l'époque!!" qu'elle me clame toute fière. ( contente pour elle!)
"tiens, allez passe ça, tu ne peux pas rester avec ton bout de tissu drapé autour de toi comme une serviette de bain!!"


....

J'ai l'air ridicule. Je suis mince et plutôt grande, de belles boucles blondes et soyeuses, les cheveux longs et brillants, les yeux vert clair, et un teint d'abricot. Et elle, elle me file de vieilles guenilles d'il y a 15 ans! Sûrement même 30!! Le haut est tout chiffonné, gris clair ( ça a du être argenté ce machin, à la base), à peine décolleté, et le pantalon, parme ou lavande, est complètement informe, ça doit être une tenue pour faire du sport... Bref, rien ne va avec mon visage si apprêté. J'en ai les larmes aux yeux.
Elle me dit que pour la nuit, ça ira très bien, et que je n'aurai qu'à aller m'acheter des vêtements demain.

"acheter? C'estQuoiDoncCaAcheter??" je fais.

" ben tu sais, tu donnes des sous, et les magasins te donnent des trucs en échange. Des habits, de la nourriture, tout ça tout ça..."
( non mais quel monde de sauvages!)

" et les sous, ça se trouve où?"

"il faut travailler pour en avoir"

"genre quoi travailler? ça veut dire quoi ça?"

Elle soupire.
Elle trouve qu'il est tard pour m'expliquer tout ça.
Elle me dit qu'elle n'a pas de rendez-vous demain, et qu'il sera bien temps de voir tout ça. En attendant bonne nuit, et "penses peut-être à une nouvelle coupe de cheveux, tes boucles soyeuses là, ça fait un peu trop tatasse pour le quartier" qu'elle me sort avant de fermer la porte de ma chambre.

Bon, ben, mâchonnes ça toute la nuit et à demain hein!

Chapitre 2 - premiers pas dans le monde gris.

Ici, je pense que vous appelez les gens comme moi des magiciens, des fées, des mages ou encore des sorciers ( qu'il est laid ce mot! Toutes ces consonnes agressives!!)
Nous n'avons pas de mot précis pour nous décrire chez nous, nous sommes juste les "gens" puisque tout le monde démarre dans la vie avec les mêmes capacités. Mais nous avons des niveaux de "magination". Donc je suppose, par extrapolation, que nous pourrions nous appeler les "maginateurs" et "maginatrices"?

Quoi qu'il en soit, ici, je vais être LA maginatrice. Même si mes pouvoirs sont en service minimum, j'en ai toujours carrément plus que tout le monde réuni ici! Alors soit je deviens le maître du monde (MOUAAHAHAH), soit je serai, en tous les cas, quelqu'un de toute première importance! (non?)

La poitrine gonflée de suffisance, je me relève. Ce n'est pas tout ce gris qui va me dégonfler!
Je marche la tête haute, je dois avoir fière allure! Tous les regards sont tournés vers moi! Je me déhanche tant que je peux en regardant tous ces gens comme de la merde, yeux fixés vers l'horizon, air sérieux et hautain.

Première chose, trouver un abri, cette pluie va ruiner mes jolies boucles souples! J'entre dans la première gargote sur laquelle je tombe. Mais quel repaire de pouilleux! J'adresse à la patronne mon regard le plus éloquent en matière de "je ne te considère pas plus que le tapis sur lequel j'essuie mes petons royaux crottés" et lui demande où je peux trouver les appartements du chef de la ville.

Elle n'a pas du comprendre ce que je lui demandais parce qu'elle m'a sorti un regard carrément bovin.

Vingt minutes d'explications effrénées plus tard, elle m'envoie dans un endroit appelé "hôtel". Bon déjà, apparemment, ça ne fonctionne pas comme chez nous, la grosse dame au comptoir avait l'air d'attendre que je lui donne quelque chose, en échange de l'abri que je lui demandais. Ah... Ça commence mal pour le futur maitre de l'univers on dirait.

Je ressors de là un peu désappointée, réfléchissant tout en marchant, perdue dans mes pensées quand SOUDAIN( !!)
Quand soudain disais-je, un méli mélo de voiles rouges et noirs s'abat sur moi. Le choc est plutôt douloureux et tout me laisse à penser que tous ces voiles devaient cacher quelque chose de beaucoup plus "costaud".
Après comptage, 2 paires de fesses étant étalées par terre, j'en déduis (quelle perspicacité, décidément!) que j'ai rencontré, un peu violemment, mon premier autochtone des rues. Un autochtone femelle semble-t'il. Une espèce de furie brune aux cheveux longs et fous me regarde d'un air complètement ahuri. Elle a les yeux révulsés, et je m'inquiète presque de l'avoir percutée peut-être trop violemment.

Sa voix rauque s'élève tout à coup: " tu es différente. Perdue et différente. Je suis la main qui se tend vers toi pour t'aider à vivre parmi nous"
Ploc! baisser de rideau, son regard a repris des couleurs, et elle ne semble plus trembler.
Bon elle a toujours l'air un peu abrutie mais je pense qu'elle va bien.

Elle essaie de se relever dans tout l'embarras de ses voiles colorés, elle est en fait vêtue de ce qui semble être quatorze ou quinze tuniques très fines aux couleurs chatoyantes, du rouge foncé au orange le plus vif. Elle semble déjà avoir oublié ce qu'elle m'a dit, mais tente néanmoins de m'aider à me relever, en me tendant une main aux dix doigts bagués et au poignet caché par des dizaines de bracelets.
Mue par une subite confiance, j'accepte son aide, et, tout en me relevant, lui demande en quoi elle peut m'aider.
Elle me répond qu'elle n'en sait diable rien, et que tout dépend de quel est mon problème.

(Okay, on tourne grâve en rond ici!! Si elle oublie tout ce qu'elle me dit au fur et à mesure, on est pas rentrés!)

J'essaie donc de lui resservir mot pour mot le message qu'elle avait essayé de me passer quand nous avions encore les fesses dans le ruisseau.

Elle rit d'un coup de manière totalement ostentatoire, et me dit que ça lui arrive, qu'elle est voyante extralucide et ressent parfois, en pleine transe, des choses un peu curieuses.
(une folle je vous dit!)

Bref, j'ai du lui rappeler quelqu'un qu'elle connaissait et qu'elle aimait bien, parce qu'elle m'a pris le bras pour me trainer dans une brasserie, histoire de consommer un peu de boisson rafraichissante aux plantes.

Je lui ai expliqué d'où je venais, comment j'étais arrivée là, et mes brillants plans de carrière. Et elle a beaucoup ri.
Textuellement, elle m'a sorti ça:
"okayyy future maitresse du monde, en attendant que tes projets se réalisent, tu pourrais peut etre venir chez moi? Il y a de la place, c'est gratuit jusqu'à ce que tu te trouves un travail, et je n'aime pas être toute seule."

Et voilà comment j'ai commencé une colloc', même pas 2 heures après avoir été bannie du monde magique.